Les chroniques d'Esther H

mardi 31 mars 2009

Les mauvaises raisons d'un succès de librairie, par Eric Marty

Tout le monde se souvient de quelques énoncés qui, jadis, firent scandale : selon une rumeur venue d'Europe, les chambres à gaz n'avaient jamais existé, selon une autre, émanant du monde arabe, le Temple juif de Jérusalem était une invention des colons sionistes, malgré son attestation par le Coran décrivant Jésus y priant "debout".

Mais avec le siècle qui vient, et qui s'annonce comme redoutable, on aura compris que ces négations-là ne relevaient que du détail. Le livre de Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé : de la Bible au sionisme (Fayard, 2008), règle la question de manière définitive. Le peuple juif n'existe pas : divine surprise !

Inutile de faire l'apprenti chimiste pour déclarer l'innocuité du Zyklon B, inutile de jouer à l'archéologue pour faire du Mur des lamentations une excroissance de la Mosquée Al-Aqsa, car si le peuple juif n'est qu'une invention du XIXe siècle sous le paradigme occidental de l'Etat-nation, alors la question est réglée. Certains pourront en conclure d'ailleurs qu'il est bien naturel qu'un peuple qui n'existe pas invente à l'infini des légendes pour attester sa pseudo-existence.

Ce n'est pas ici le lieu de dénoncer les confusions, et surtout le caractère naïvement massif de la thèse du livre de Shlomo Sand. Des spécialistes l'ont fait. Il s'agit de l'oeuvre d'un historien autodidacte dont les informations sont de seconde main, qui mêle les approximations à des choses connues, mais qui sont présentées sous l'angle biaisé de découvertes sulfureuses.

Sand présente le fait qu'il n'y a pas de race juive comme une découverte qui fait du peuple juif une invention historique. Mais ce faisant, il confond deux catégories étrangères l'une à l'autre, celle de "race" et celle de "peuple". La tradition d'Israël n'est pas une tradition raciale comme la Bible l'atteste (l'épouse non juive de Moïse, Séphora, Ruth, l'étrangère, ancêtre du roi David), tradition perpétuée par l'actuel Israël, comme tout visiteur peut le constater en admirant dans le peuple juif son extraordinaire pluralité : juifs noirs, jaunes, blancs, orientaux, blonds, bruns... La substitution race/peuple est révélée par le titre : Comment le peuple juif fut inventé... Or tout le livre consiste à vouloir prouver que les juifs actuels ne sont pas "génétiquement" les descendants des Hébreux.

On dira que le peuple juif n'a jamais cessé d'être "inventé" : par Abraham, par Jacob, par Moïse... Mais aussi par chaque juif. Car l'invention même du peuple juif, loin d'être une preuve de son inexistence, est une preuve radicale - irréfutable - de la singularité radicale de son existence propre. Existence fondée sur le principe abrahamique de son invention ou de sa vocation, puisque cette existence est réponse à un appel.

CONCLUSION PERVERSE



Peuple unique en ce qu'il est fondamentalement logocentrique - lié au langage, lié au nom - et textocentrique, lié à un texte : la Torah. Que la filiation soit constitutive du peuple juif ne peut apparaître comme un élément ontologique. Le principe de filiation n'est que la régulation civile de l'existence historique de ce peuple, des conditions de possibilité d'une perpétuation qui autorise son inscription dans le temps chronologique, dans le temps de l'histoire humaine. Voilà pourquoi il y a un peuple juif, voilà pourquoi il n'y a pas de "race juive", même s'il est patent que les Cohen et les Lévy du monde entier ont quelques liens incarnés. C'est ce qu'on peut appeler très simplement la facticité juive : le fait d'être juif.

Le livre de Sand manifeste là l'indigence de son "épistémologie". Sand est un "moderne". Il voudrait devenir le Michel Foucault du XXIe siècle. Il espère, en proclamant que le peuple juif est une "invention du XIXe siècle", reproduire, en le mimant, le Foucault de jadis affirmant que l'homme était "une invention récente". Mais, pour Foucault, il était fondamental, à l'intérieur du discours philosophique moderne même, de réfléchir méthodiquement à cette "invention" dans les savoirs - l'homme - et de la déconstruire.

Or c'est sur ce point que le livre de Sand se révèle vide. Car s'il dénie aux juifs une aspiration, qu'ils n'ont jamais eue comme peuple, à se constituer en race, il ne déconstruit pas la notion de race. Au contraire, il lui confère, à dessein ou non, un statut de vérité qui se donne comme vérité ultime. En effet, la conclusion, proprement perverse, de son livre est d'attribuer au peuple palestinien ce qui a été dénié aux juifs, à savoir qu'ils sont - eux, les Palestiniens - les vrais descendants génétiques des Hébreux originaires !

Cet épilogue est le révélateur de la finalité du livre. On y trouve le principe mythologique de l'inversion dont le peuple juif est la victime coutumière : les juifs deviennent des non-juifs et les Palestiniens les juifs génétiques. On peut, dès lors, en déduire qui est l'occupant légitime du pays. En ne déconstruisant pas radicalement la notion d'héritage génétique, en en faisant, au contraire, bénéficier le peuple palestinien, Sand révèle tout l'impensé qui obscurément pourrit ce qu'il tient pour être une entreprise libératrice. Il montre que la méthode substitutive qu'il emploie est tout simplement mystificatrice, et ce d'autant plus qu'elle voudrait être au service de l'entente entre les ennemis.

Nier l'identité juive est une vieille marotte, aujourd'hui parasite obstiné de la pensée contemporaine. D'où vient ce vertige du négatif ? On l'aura compris en lisant le livre de Shlomo Sand : d'un désir obscur de faire des juifs de purs fantômes, de simples spectres, des morts-vivants, figures absolues et archétypales de l'errance, figures des imposteurs usurpant éternellement une identité manquante. Eternelle obsession qui, loin de s'éteindre, ne cesse de renaître avec, désormais, un nouvel alibi mythologique : les Palestiniens.


Eric Marty est écrivain et critique, professeur de littérature à l'université Paris-Diderot

lundi 30 mars 2009

Les États généraux de la presse écrite ou la grande mascarade libérale



Les patrons de la presse écrite refusent tout débat sur l’avenir de l’écrit aux syndicats de journalistes, pourtant les premiers concernés, depuis de nombreuses années.
Pour justifier leur attitude, ils présentent la perte de lectorat, baisse dans la diffusion et chute de la publicité comme une fatalité.
Ils ont préféré attendre la bénédiction du président de la République ultralibéral pour l’organisation des États généraux de la presse écrite.

Les Etats généraux de la «presse écrite, une grande réunion de patrons, d'éditeurs et si peu de représentants des travailleurs, de journalistes.
Ah oui ! Entre patrons on se comprend et on partage les mêmes ambitions !
Obtenir toujours plus. Plus d'aides, réviser les lois qui, à entendre ces messieurs, entravent le bon fonctionnement de leurs entreprises (loi Bichet), terminer le travail d’éradication de l’organisation syndicale des ouvriers du Livre et de casse du statut du journaliste, notamment.
Pour nombreux de patrons de presse, d'éditeurs et même certains proche de "socialistes de salon", refonder la presse, c'est circonscrire à légitimer leur politique ANTISOCIALE, et la faire entériner par monsieur Sarkozy.

Bref, les États généraux ne visaient ni à redonner de la crédibilité à l’information, ni à remettre en cause leurs politiques éditoriales.
L'unique but est économique.


Les préconisations des États généraux visent à sortir définitivement des règles issues de la Libération et du pluralisme d’idées pour mieux rentabiliser une multiplicité de titres monocolores.
C’est le triomphe de la financiarisation de la presse et une oui, une grave défaite pour notre démocratie.

Bien-sûr, il n'est pas facile d'assumer, surtout quand on est éditeur et que l'on se prévaut d'une certaine gauche, en qui les Français désormais ont du mal à adhérer, notamment pour le manque d'engagement en politique sociale.



Mais en s’en remettant au politique, les patrons de presse ont fait le choix de la soumission.

Les journalistes seront les premières victimes de cette proximité de leurs patrons vis-à-vis de la caste au pouvoir. L'opinion publique, sera l'autre victime qui va finir par perdre ses repères et au final sa confiance dans toute cette masse de médias.

Nicolas Sarkozy, en apportant la caution de la plus haute autorité de l’État à cette mascarade, porte une accablante responsabilité.

Il y trouve un intérêt immédiat pour lui-même, ses visées électorales et arrange à plus long terme ses amis, pour lesquels l’information est une source de profit.
Mais le Peuple n'est pas dupe. Le Peuple est en colère.
La grande majorité des syndicats avaient depuis longtemps mis en exergue les dangers de la concentration, de la précarisation plaçant l’information au rang de produit et donc conduisant à des politiques antisociales pour abaisser les coûts et doper les profits.

C'est le quotidien dans toutes les entreprises de presse, chez de nombreux éditeurs qui n'hésitent pas à pratiquer du dumping social notamment en termes de salaire.
La crise économique dont les salariés ne sont en rien responsables est utilisée comme prétexte pour permettre aux groupes de presse de lancer des plans de réduction d’emplois, virer les CDD, les pigistes... EXPLOITER.
Tant en presse quotidienne que Magazine.
Le journalisme va très mal...
Et si cette profession est sacrifiée, c'est notre démocratie qui souffre, ce sont les citoyens qui n'en peuvent plus.


Des droits d’auteur inaliénables et sécurisés

Le pôle Métiers du journalisme s’est approprié la question des droits d’auteurs des journalistes, excluant ainsi les autres pôles, et notamment celui qui était intitulé Presse et Internet, donnant ainsi la priorité à l’examen global de la problématique, plutôt qu’à un traitement partiel.

A la fin de ses travaux, le pôle présidé par Bruno Frappat a décidé de soutenir les propositions du document baptisé le Blanc, élaboré par le groupe de réflexion des droits d’auteur à l’issue de deux ans de discussions.

Pourtant, en notant que « la débat ne porte que sur la cession du droit patrimonial des journalistes, c’est-à-dire la question de la réutilisation de leurs productions », il se méprend.
Le droit d’auteur est unique ; droit patrimonial et droit moral sont, en effet, indissociables.
Réaffirmer que le droit moral ne saurait être remis en cause relève du vœu pieu.

En effet, on sait que, au quotidien, les articles et photographies notamment, œuvres de journalistes sont déjà soumis à des « retouches » plus ou moins importantes pouvant aller jusqu’à leur dénaturation complète, sans accord de l’auteur !
Le pôle Frappat prétend que « le groupe souhaite cependant dans sa forte majorité que soit mieux explicité le périmètre relevant de la cession automatique des droits » telle qu’elle est prévue par le Blanc.



Le Blanc a défini avec précision la publication de presse à laquelle une cession automatique pourrait être consentie.

Il exclut les groupes, mais il prend soin de laisser éditeurs et syndicats de journalistes régler certaines situations particulières « par voie contractuelle via la négociation collective ».
Les rédacteurs du Blanc n’ont pas envisagé de définition de « périmètres élargis ».
Enfin, le pôle Frappat se déclare « attaché à la pérennisation des accords individuels et collectifs existants et à leur principe » et préconise une « période de transition ».
De plus en plus les délégués syndicaux constatent que les accords individuels ont été le plus souvent imposés aux journalistes lors de la signature de leur contrat de travail, c’est-à-dire quand ils sont les plus faibles, et l'idée du Blanc est d’aboutir à des accords collectifs, soit dans la forme de presse, soit dans l’entreprise, sécurisés par la loi, pour éviter les effets pervers des contrats individuels imposés et restrictifs, voire injustes.

Le Blanc ayant pris soin de préciser que la cession automatique des droits durant la période de référence (à définir par vois contractuelle via la négociation collective) et couverte par le salaire est indissociable de l’existence d’une rémunération garantie aux journalistes en contrepartie des exploitations au-delà de la période de référence, toute autre solution ne saurait recevoir son assentiment.


Internet, la convergence numérique (textes, sons et images avec les mêmes supports) et l’émergence de médias en ligne «pure players » conduisent à bouleversements incontestables dans l’économie des médias, mais également dans la façon de produire de l’information...

La révolution technologique en cours ne doit en aucun cas être un prétexte pour une dérégulation sociale, un affaiblissement des critères éthiques et déontologiques ou pour la recherche des profits maximum grâce aux concentrations et à la marchandisation de l’information sur le web.
La prise de contrôle par des groupes financiers et/ou industriels des entreprises de presse et leur concentration ont en effet instauré une logique commerciale et concurrentielle dans les rédactions. Ce qui prime aujourd’hui dans toutes les entreprises de presse (écrite ou audiovisuelle et Web) ce sont les objectifs de vente (ou d’audience) et les recettes publicitaires.

Le marketing est plus important que la rigueur et la vérification de l’information, sa qualité et sa mise en perspective.
Le conséquence de cette politique éditoriale est la mise en doute de la crédibilité des journalistes.
C'est sans compter avec cette nouvelle logique de la vitesse et de l’instantané, imposée par la multiplication des médias de l’immédiateté, d’une part, et la politique de gestion des rédactions faisant de plus en plus appel à des journalistes précaires.

L'ensemble des journalistes syndicales, engagés au quotidien pour protéger le droit, défendre les plus précaires mais aussi les journalistes en postes, pensent qu’il est primordial et urgent de libérer les journalistes soumis à la pression économique et politique. C’est la raison pour laquelle, les syndicats militent pour la reconnaissance de l’équipe rédactionnelle, reconnaissance assortie de nouveaux droits en matière éditoriale.

Aujourd’hui, dans une société ultralibérale, où l’agenda est fixé par le président de la République et où le profit inscrit les nouvelles donnes de l’ordre social, les problèmes de déontologie ne sont brandis que pour faire diversion.
Ce ne sont pas des des chartes qui vont rendre sa crédibilité à l’information, mais la possibilité donnée aux journalistes pour se libérer des pressions des puissances d’argent.

samedi 21 mars 2009




Messieurs, Mesdames

les députés,

Le projet de loi

« création et Internet » Hadopi est actuellement devant les parlementaires.


Il comporte un volet spécifique concernant l’évolution du droit d’auteur des journalistes.

Ce projet remet en fait le droit d’auteur en question en prévoyant des modifications du

Code de la propriété intellectuelle et du Code du travail.

Les nouveaux articles, s’ils sont votés, transforment et réduisent le droit d’auteur :


- Article L.132-36 : le contrat de travail « emporte cession des droits d’auteur » : donc un journaliste, permanent ou non, devra par exemple écrire pour l’édition papier et le site internet d’un journal sans supplément de salaire.- Article L.132-37 : l’exploitation de l’œuvre du journaliste sur différent supports, dans le cadre du titre de presse défini à l’article L.132-35, a pour seule partie le salaire, pendant une période de référence fixée par un accord collectif, au sens des articlesL. 2222-1 et suivants du Code du travail. - Article L.132-40 : La rémunération de l’exploitation (pour le cas où elles existent) sera versée sous forme de droit d’auteur (régime Agessa)- Article L.132-42 : les droits d’auteur concernés n’ont pas le caractère de salaire (jusqu’à un maximum de 5 % du salaire annuel selon un amendement) : les cotisations ne seront pas versées à l’Urssaf. Pour les patrons, l’économie est importante : les cotisations seront ramenées d’environ 30 % à 1 %.Sous couvert de protéger la création, le projet de loi s’attaque donc en fait au droit d’auteur. Cette loi est conforme aux conclusions des états généraux de la presse préparées par le rapport Giazzi et exprimés par le Livre vert et le président Sarkozy à la mi-janvier.Il est donc indispensable de s’opposer à ce projet de loi.
Appel à la mobilisation de chacun d'entre-nous.


LETTRE OUVERTE AUX DEPUTES /
HALTE AU MASSACRE DE NOTRE PROFESSION DE JOURNALISTE
DEFENDONS NOTRE DEMOCRATIE


Messieurs, Mesdames les députés,


Syndicaliste, je tiens à vous alerter sur le danger pour notre profession de la loi Protection de la Création sur Internet, discutée à l'Assemblée nationale et qui repasse, à la fin du mois, plus connue sous le nom de loi Hadopi.

Je tiens par la présente à vous signifier mon opposition à cette loi, qui non seulement bafoue plusieurs principes de base de notre démocratie, comme la présomption d’innocence
(loi Française, elle-même basée sur l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme), l’obligation de séparation des fonctions judiciaires et administratives (article 13 de la Constitution française voté en 1790), ainsi que bien d’autres irrégularités qui en font dès aujourd’hui une loi d’exception.J'attire aussi votre attention sur la gravité de cette loi concernant les journalistes.
L’article L. 121-8 du Code de la propriété intellectuelle, issu de l’article 36 de la loi n°57-298 du 11 mars 1957 et non modifié depuis l’origine, prévoit que l’auteur d’un article de presse conserve, sauf stipulation contraire, le droit d’autoriser la reproduction ou l’exploitation de son œuvre sur un autre support que celui où elle a été divulguée au public pour la première fois. Il en résulte, en vertu d’une jurisprudence constante, que toute réutilisation, par un titre de presse, d’un article de l’un de ses journalistes sur un support différent – et notamment multimédia – du support d’origine est interdite.
En effet, le contrat de travail n’emporte, par lui-même, aucune dérogation aux droits garantis au journaliste, en sa qualité d’auteur, par le Code de la propriété intellectuelle.

Or, pour nombreux dirigeants d’entreprises de presse, cette situation est devenue selon eux « préjudiciable». Le nouveau modèle économique que prônent les patrons de presse est celui qui tend autour d’une diffusion d’un même contenu sur plusieurs supports, simultanément ou successivement : papier, Internet ou téléphone mobile.
On comprend pourquoi l’article L. 121-8 actuel du Code de la propriété intellectuelle est soumis à modification car l’ensemble des éditeurs ne veut plus recueillir l’accord explicite du journaliste pour chaque réutilisation de ses articles.

Afin de contenter le patronat dans le dessein de moins payer les journalistes, pigistes, auteurs et de contribuer ainsi à la précarisation de la profession, un texte de projet de loi propose de prévoir la possibilité, pour des accords collectifs, de faciliter l’exploitation numérique des œuvres de presse.Il pose notamment le principe selon lequel le contrat liant un journaliste professionnel à une entreprise de presse emporte cession à cette dernière, sauf stipulation contraire, des droits d’exploitation pour tous les supports du titre, dans des conditions déterminées par accord collectif.
Ce dispositif est issu de la très large concertation entre les dirigeants des quotidiens et des magazines durant les États Généraux de la presse écrite, orchestrés par le chef de l’Etat.
Force est de constater que loi Hadopi a été écrite dans l’unique intérêt de l’industrie de la culture et des grands groupes, qui désormais ne sont plus des hommes de presse, mais des financiers, proches, pour beaucoup d’entre eux, du pouvoir en place.

Cette loi menace les droits d’auteur des journalistes, profession garante de notre démocratie sacrifiée sur l’autel de la spéculation financière.
Dans l'entreprise où je travaille (deuxième groupe français en presse magazine), la direction qui a participé aux Etats généraux de la presse écrite,
a proposé un accord d'entreprise ridicule et honteux, nous signalant « qu'il fallait le signer car une loi bien plus dure allait être votée en début d'hiver».
C'est presque chose faite.
Les patrons de presse vont légalement encore plus exploiter les journalistes pigistes.
Notre profession sombre dans une précarité très inquiétante.Mes confrères et consœurs, et on peut facilement le concevoir, vont travailler pour gagner leur pain, assujettis à des hommes qui méprisent les bases de la démocratie, et qui n'ont qu'un objectif : dégager des dividendes pour les actionnaires.
Comment dans de pareilles conditions les journalistes peuvent-ils être les chiens de garde de la République ? Comment les journalistes pourront -ils être les garants de la démocratie alors qu'ils seront muselés et seront victimes du chantage à l'emploi...
Ce qui est déjà malheureusement d'actualité dans de nombreuses entreprises de presse.
Deux députés UMP, Madame Marland-Militello et Monsieur Kert viennent de déposer un amendement (N°1240), le 29 février dernier, au projet de loi Création et Internet concernant les droits d’auteur des journalistes.

L’amendement a été adopté par la commission des affaires culturelles à quelques jours du réexamen du projet de loi à l’Assemblée nationale.
Dans l’exposé sommaire de Madame Marland-Militello et Monsieur Kert, il est clairement noté :
« Il serait logique, voire naturel, que l’éditeur initial puisse utiliser ce travail collectif et donc soit le détenteur des droits sur tous les supports, comme c’est le cas dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, sous réserve que cette détention soit clairement encadrée. S’il convient de préserver la législation française très spécifique des droits d’auteurs, elle doit être adaptée à l’environnement actuel. Le principe des droits d’auteurs doit être maintenu, mais également assoupli. C’est aussi l’intérêt des journalistes, qui risquent sinon demain tout simplement de perdre leur outil de travail ! »
Les syndicalistes connaissent cette tactique de chantage à l’emploi qu'utilisent certains patrons malhonnêtes, notamment lors des négociations, des accords collectifs.
Mais le comble, la honte cette fois c'est qu'on retrouve de pareils termes dans un amendement présenté en toute impunité devant le Parlement, et de manière fort discutable, discrètement glissé dans une loi qui fait déjà beaucoup parler d'elle.
Cette loi est un scandale ! L’amendement, qui ressemble étrangement à celui qui avait été déposé au Sénat par M. de Broissia l’été dernier, reprend tous les arguments patronaux exposés par le SPMI et le SPQR dans le rapport de Mme Giazzi et au cours des états généraux de la presse écrite. C’est-à-dire qu’il répond à toutes les exigences patronales et, au bout du compte, nie les nécessaires protections sur les œuvres des journalistes dans un contexte de marchandisation de l’information.C’est aussi clairement noté dans l’exposé du rapporteur :
« Il convient aujourd’hui d’agir. Le présent projet de loi est le bon support pour insérer des dispositions relatives aux droits d’auteur des collaborateurs de la rédaction d’une publication de presse. Cela nécessite d’adapter tant le Code de la propriété intellectuelle que le Code du travail, afin de garantir une plus grande sécurité juridique aux éditeurs de publications de presse ».
Une loi qui organise quasi-incognito une cession des droits aux employeurs sans garanties et contreparties (réf. amendement 1240).Tous les journalistes, pigistes, auteurs sont attachés à la défense du droit d’auteur et à la juste rémunération.
Depuis deux siècles, le droit d’auteur a toujours été destiné à défendre les petits auteurs contre les importantes « machines » à production,
c’est-à-dire les auteurs et les créateurs isolés, à travers leurs sociétés de gestion et de perception, contre les producteurs et les diffuseurs de l’industrie culturelle. Le droit d’auteur doit être respecté.
Nous devons tous nous mobiliser contre cette loi et contre l'attaque faites à tous les auteurs, journalistes...
Notre opposition à cette loi, notre colère doivent être entendues.
Nous vous demandons une rencontre et vous demandons de ne pas voter cette loi.
Je vous prie de croire, Messieurs, Mesdames les députés, à l’expression de mes sentiments respectueux.