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Les chroniques d'Esther H
- Esther H
- Journaliste
jeudi 29 janvier 2009
CRISE 2009 : La fin d’un monde ?
Fermetures d'usine, plans de restructuration, licenciements, départs forcés dit « volontaires » depuis le mois d'octobre, pas un jour ne passe sans que soit annoncé un plan social ou une mesure de chômage technique.
La crise aujourd'hui, c'est 2 millions de chômeurs et beaucoup plus de vies bouleversées.
La crise aujourd’hui est une honte pour les démocraties occidentales car le piège de la spéculation s’est refermé violemment sur des victimes qui sont pour l’ensemble les plus faibles du système.
La fin d’un monde est-elle annoncée ?
Les mesures du gouvernement pour pallier à la crise semble bien dérisoire face à des Français, qui aujourd’hui, loin de Matignon et de l’Elysée, loin des salons dorés de la République, ont du mal à finir les fins de mois, ont du mal à nourrir correctement leur famille.
Force est de constater que la France qui travaille, c’est celle qui se lève tôt et gagne encore moins d’argent qu’avant.
Comment vivre avec moins de 1 500 euros ?
Comment faire face à une vie qui augmente, à des prix de loyers qui dépassent l’entendement ?
Un Trois pièces à Paris :
1 300 euros en moyenne…
Peut-on m’expliquer comment une famille dela classe « moyenne », qui ne bénéficie d’aucune aide, fait-elle pour joindre les deux bouts ?
Et que dire des dérives dramatiques de notre système de santé.
Avec ses dernières propositions le gouvernement risque d’ajouter une crise sanitaire à la crise économique et sociale. Décès douteux, manque de places et de personnel, l'hôpital public souffre.
Pourtant les mesures de réorganisation proposées par la droite vont dans le sens de la privatisation.
Alors que l'exigence est d'assurer l'accès aux soins pour tous.
Et que dire de l’Ecole que le gouvernement par ses propositions met en échec.
Rien ne va plus… Monsieur Sarkozy et son ministre des Finances annonce un plan de relance…
Le sauveur tant attendu est-il donc arrivé ? Je ne le crois vraiment pas.
Ce plan de relance ne changera en rien le quotidien morose et parfois désespéré des Français.
Rien, si ce n’est peut-être la prime de 200 euros accordée aux personnes éligibles aux minima sociaux.
Pour la classe « moyenne » qui se paupérise de plus en plus, aucun coup de pouce.
Les Français doivent donc se contenter de voir leur pouvoir d’achat sombrer de jour en jour.
Baisser la TVA de deux points, par exemple, aurait permis de redonner immédiatement du pouvoir d’achat aux Français car cette mesure aurait un impact direct.
Mais je crois également qu’au-delà de l’efficacité des mesures ou des questions de timing, cette crise devrait être l’occasion de mener une réflexion sur notre système de protection sociale.
Il faudrait pouvoir le rendre plus réactif à la crise.
Nous allons vivre vraisemblablement des jours ou les travailleurs vont souffrir…
Et bien-sûr, les victimes de cette crise sont toujours les mêmes : les salariés précaires, les personnes en fin de contrat, les intérimaires, les petits artisans, les petits commerçants, les familles monoparentales, les retraités…
Il est certain que dans un tel contexte, la guerre aux chômeurs, déclarée par le gouvernement est totalement à contre-courant.
Ce n’est pas le moment de mettre la pression sur les demandeurs d’emploi pour qu’ils retrouvent un boulot immédiatement.
C’est une mascarade…
Les partenaires sociaux vont devoir être résistants et inventifs afin d’être force de proposition et endiguer l’hémorragie.
Nombreux sont les économistes qui annoncent une année 2009 terrible, pire, que ce que l’on croit.
La récession devrait toucher tous les pays.
L’OCDE et le FMI en effet rivalisent désormais de pessimisme dans leurs prévisions. La croissance française pourrait descendre sous le seuil des -0,5%. Le chômage devrait dans de pareilles circonstances s’accélérer. Si les pays émergents connaissent un brusque ralentissement économique le système va dérailler encore plus rapidement que prévu.
La relance du pouvoir d’achat pour les plus démunis, ceux qui en ont besoin pour vivre correctement doit passer aussi par la relance du logement social pour relancer un secteur en souffrance, un accompagnement des collectivités locales qui représentent des investissements publics et des mesures significatives pour ceux atteints par les licenciements ou qui risquent de l’être.
Les petites PME, les petits artisans doivent impérativement être aidés car beaucoup travaillent sans percevoir de salaires et ce parfois pendant des mois.
J’ai rencontré ces jours-ci des Français victimes de la crise.
Les mots sont édifiants.
Joseph a ouvert un petit snack dans le 17e arrondissement de Paris, il y a moins d’un an.
Joseph pensait juste gagner dignement sa vie.
Joseph aujourd’hui ne s’en sort pas.
Il est marié, papa de deux petits enfants.
Joseph quand il parle est abattu, sa voix est à peine audible.« Ca fait six mois que je ne me verse pas de salaire, une fois que j’ai tout payé, il ne me reste plus rien. Je me lève tôt le matin, je suis ici à 8 heures 30 et je finis vers 24.00 heures. Et puis avec la crise c’est encore pire, les gens regardent à leurs dépenses. Ils n’ont plus les moyens de se payer un petit dîner à l’extérieur.
Hier soir, ma recette 66 euros… »
-« Mais comment faites-vous pour vous en sortir ? »
« Je ne m’en sors pas… Nous vivons à quatre dans 3O m2, ma femme à un petit job, elle garde des enfants et quelques aides, ce qui nous permet de payer les factures et des aliments de premières utilités, la galère ».
Joseph travaille en moyenne entre 13 et 14 heures par jour… Il me dit avoir voté Sarkozy à la présidentielle…
Je baisse les yeux… je n’ai rien à dire chacun ses opinions.
Mais Joseph a bien saisie mes pensées et ajoute…« Sarkozy c’est de la poudre aux yeux, c’est un beau parleur, rien d’autre…Vous voulez que je vous dise, je me sens trahi».
Après avoir claqué la porte de son snack, j’allume une clope… Je suis révoltée…Désemparéé.
Dans les heures qui ont suivi, j’ai rencontré Michel…
Michel n’est pas commerçant, il est fonctionnaire à L’APHP, les hôpitaux de Paris…
Il a bientôt atteint l’âge de la retraite, il est paramédical et il lui arrive de soigner jusqu’à soixante patients par jour.« C’est l’usine », avoue-t-il. "Comment voulez-vous travailler correctement dans de pareilles conditions?"
Michel a un salaire moyen de 2 300 euros net par mois… mais depuis quelques temps il a dû faire appel à ces fameux crédits revolving « revolver », me lance-t-il.
Je lui demande pourquoi avoir emprunté ?
Il me raconte alors sa vie, la perte de ses parents, son divorce, un infarctus il y a deux ans, tous ces accidents de parcours qui font qu’un jour on est largué.
Pour faire face, il a commencé à prendre une carte Cofinoga, puis une carte Cetelem, et encore une autre et une autre pour payer les intérêts des premières… Ces cartes sont très faciles à obtenir dans les grandes surfaces…
Le scandale c’est que les politiques n’ont jamais voulu réglementer de peur que ça sabre les chiffres de la consommation…
«Personne ne m’a prévenu que le TEG (taux effectif global) était de 19,6 %, je me suis
fait avoir »...
Il y a six mois Michel a monté un dossier de surendettement à la Banque de France.
Il est soulagé car le dossier à été accepté. « C’est dur pourtant, car je rembourse 1 100 euros par mois aux établissements de crédit, mais au moins je ne suis plus harcelé par les boîtes de recouvrement. Après la pension versée à mon ex-femme, mes impôts et quelques factures, il me reste 500 euros pour vivre.Heureusement mon fils me paye la complémentaire-santé et mon frère m’héberge, sinon je serais à la rue ».
Michel me confie que grâce à la solidarité familiale et à quelques amis, il a la chance d’avoir des habits neufs, qui pour beaucoup sont des cadeaux de Noël, sinon impossible de se vêtir…
Il avale son café, allume une cigarette et me dit gêné, les yeux qui pétillent : « c’est mon seul plaisir, la clope ».
J’ai du mal à continuer l’entretien… Beaucoup d’émotion.
Je pense que dans un pays comme la France des histoires pareilles ne sont pas permises… Ne sont pas tolérables, ne sont plus tolérables.
Putain nous ne sommes pas en Afrique !…
Il y a de l’argent en France !
Qu’on cesse de nous faire croire le contraire.
Lors de ses vœux télévisés, le chef de l’Etat soutient que « l’année 2008 a été dure pour tous les Français. »
Pour la plupart oui, mais pas pour tous les Français.
Non Monsieur Sarkozy !
Beaucoup de grands patrons, beaucoup de grands actionnaires n’ont jamais été aussi riches.
Et désormais, ils profitent de la crise pour continuer à s’enrichir.
Prétexte idéal pour réduire les coûts, les effectifs… Après le krach financier de l’automne dernier, les retombées sociales sont lourdes.
Les plans sociaux succèdent aux plans sociaux, partout il n’est question que de chômage technique ou de chômage tout court, de « dégraissage », de licenciements.
La crise frappe dur et injustement.
Le chiffre de 300 000 suppressions d’emploi en France entre le dernier trimestre 2008 et le premier trimestre 2009 est annoncé.
Le Bureau international du travail prévoit de 20 millions le nombre supplémentaire de chômeurs dans le monde.
Aux États-Unis, 700 000 postes de travail ont été supprimés pour le seul mois de décembre !
La précarité et l’appauvrissement se généralisent. Et la crise s’étend dans tous les domaines de la vie sociale, risquant de provoquer des catastrophes humaines.
Et pourtant...
2008 a été pour de nombreuses entreprises prestigieuses une année des profits records.
Comme l’a écrit la revue
Capital en novembre dernier, « les grands patrons ont touché ces derniers mois un véritable « jackpot ».
Quelques exemples :
Vincent Bolloré, à la tête de multiples entreprises dont Havas, et qui prête volontiers son yacht à notre président en cas de besoin, aurait touché près de 20 millions d’euros ;
Gérard Mestrallet p-dg de Suez qui vient de fusionner avec GDF, aurait perçu 12 millions d’euros grâce à ses stock-options ; François Pinault serait à la tête avec 259 millions d’euros.
L’assureur Jean-Pierre Thierry (Allianz-Agf) encaisse lui 23 millions d’euros.
Quant à Bernard Arnault p-dg et actionnaire principal de LVMH qui bénéficierait de 376 millions d’euros.
Connaissent-ils la crise ?
Et que dire des firmes du CAC 40 qui ont engrangé en 2008 des bénéfices records.
Elles ont fini l’année avec des résultats supérieurs en moyenne de 12% par rapport à 2007 et des profits en hausse sur 2007 de 2,2 milliards d’euros (Étude Cabinet PWC pour Le Monde).
Qui disait que la crise était dure pour tout le monde ?
Dans ce contexte de crise ces patrons du Cac 4O non contents d’amasser des sommes colossales, n’ont aucun scrupule à prendre prétexte de la crise pour opérer des réductions d’effectifs, des arrêts de missions d’intérim, des dispositifs de chômage technique.
A chaque fois, la crise a bon dos.
En vérité, certaines de ces directions ont fait le choix des actionnaires, grassement rétribués, contre les salariés, sacrifiés.
Il est temps de prendre de nouvelles mesures, mais celles-ci devront favoriser la majorité et non pas quelques privilégiés.
Détaxer par exemple les petits artisans et les petites PME pour leur permettre de conserver les emplois et d’investir.
Taxer massivement en revanche la spéculation et les mouvements de capitaux spéculatifs.
Plusieurs types de taxes devraient en effet être mises en place de toute urgence si on veut freiner la dégradation croissante à laquelle on assiste.
L’activité financière dont l’action prédatrice est largement démontrée par la crise financière actuelle devrait être taxée.
Près de 5 000 milliards de dollars chaque jour d’opérations de change et de bourse ne supportent pratiquement aucune taxe.
Il est temps aussi de fermer les paradis fiscaux. La stabilité financière exige en outre que soient interdits les paradis fiscaux.
Urgent que l’argent aille aux salaires, à l’emploi et aux systèmes publics de sécurité sociale.
La mise en œuvre de toutes ces dispositions ne présente guère de difficultés techniques insurmontables.
Seul demeure un obstacle de taille, la volonté politique. Celle-ci devra être le fait des citoyens qui décideront d’imposer à leurs gouvernants de s’engager dans cette voie nouvelle.
Une volonté politique qui devra s’inscrire dans une démarche de construction des droits de l’Humain et non de l’argent et du profit.
Cette démarche est indispensable désormais parce que le monde est confronté une crise globale.
La crise de la globalisation.
Cette crise est d’autant plus dangereuse qu’elle révèle des déséquilibres systémiques, qui s’inscrivent dans le court terme, et si aucune mesure sérieuse et raisonnable n’est prise elle s’inscrira dan le long terme.
Les conditions de vie dans le présent et dans le futur sont menacées par les inégalités sociales intolérables.
Le néolibéralisme a exacerbé ces contradictions.
La fin d’un monde est annoncée… Cette crise doit être l’occasion pour les politiques de fixer les limites dans lesquelles les sociétés humaines évolueront.
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